Les "soins"
 
 
J'ai bien sûr consulté pour les graves troubles auditifs que le concert a provoqué chez moi.
Voici le récit, long et pourtant très résumé, de ce que j'ai vécu dans ce domaine.

J'ai appris plus tard que tous les acouphéniques français subissent à peu près le même sort.
Ils appellent cela "le parcours du combattant" ou "le chemin de croix"...
 
 
 Juillet 1998 à mars 1999 : la médecine me laisse tomber
  
En sortant du concert, j'ai la sensation d'avoir les "oreilles bouchées".
Je sais que cette baisse temporaire de l'acuité auditive est une adaptation normale de l'oreille
soumise à niveau sonore élevé.

Le lendemain, je demeure relativement sourd, ce qui ne m'était jamais arrivé auparavant.
Mais j'avais lu dans une brochure de la médecine du travail qu'il faut parfois 
plusieurs dizaines d'heures au système auditif pour revenir à l'état normal.

Les jours suivants, je récupère effectivement de manière progresssive une grande partie 
de mes capacités auditives, ce qui, dans un premier temps, va faussement me rassurer.

Mais à mesure que l'intensité des sons que je perçois augmente, leur qualité diminue.
Ainsi, les bruits les plus forts me paraissent à la fois agressifs et déformés (hyperacousie).
De plus, les sifflements d'oreilles ne m'ont pas quittés depuis le début (acouphènes).

L'inquiétude s'installe, puis grandit peu à peu.
 

  
 Je décide finalement de consulter mon médecin traitant.

Je lui raconte ce qui m'arrive. Il me déclare :
"je ne vais jamais dans cette salle sans boules Quiès, 
car sinon je n'entends plus rien au stéthoscope le lendemain".
ll se focalise donc sur la surdité qui semble persister un peu, surtout pour mon oreille gauche.
Il me prescrit un oxygénateur-vasodilatateur.

Ne perçevant aucune amélioration dans mon état, je retourne le voir peu de temps après.
Il me conseille alors de consulter un ORL qu'il me présente comme le spécialiste de l'audition à Caen.

 
  
Je contacte le cabinet de cet ORL, qui m'annonce une liste d'attente de 3 mois et me propose
un rendez-vous fin octobre ! Après avoir fait le siège du secrétariat en faisant valoir la gravité de mes symptômes,
j'obtiens finalement une consultation mi-août.

Lors de cette consultation, un audiogramme est réalisé, révélant un "trou" de l'audition à 6000 Hz.
Cet ORL m'apprend ensuite que 
"Cette salle de spectacle est une des sources les plus importantes de traumatisme auditif dans la région".
La consultation se termine par la prescription d'un autre vasodilatateur.

Je me dis alors que si l'on me prescrit ce type de médicament depuis le début,
c'est qu'il doit être efficace à long terme. Je pense encore que je vais guérir de ce fameux traumatisme auditif, 
qui semble d'ailleurs si courant et si bénin que personne ne fait rien pour l'éviter aux spectateurs de concerts.

 
  
Au bout de deux mois sans résultat, l'ORL m'envoie chez un neurologue qui partage le même cabinet.

Il me fait passer un examen de P.E.A. (potentiels évoqués auditifs). Celui-ci, destiné à tester si les signaux nerveux
sont correctement transmis des oreilles jusqu'au cerveau, ne met pas en évidence de lésion des nerfs auditifs.

Le même traitement (vasodilatateur) se poursuit jusqu'en février 1999, sans aucun effet.
 

  
Lors d'un ultime rendez-vous, l'ORL me prescrit un anxiolytique.
Il me déclare alors que si ce traitement ne donne pas de résultat au bout d'un mois,
il ne peut plus rien faire pour moi.

Effondré, je lui rappelle que mon cas est très grave et que ma vie est gâchée.

Je lui demande enfin s'il a fait quelque chose pour prévenir la population et les institutions concernées
des dommages causés par la salle de concert dont je suis victime, puisqu'il en a connaissance.
La réponse est calme, posée : "Non, rien du tout. Les gens en redemandent. 
Et quand il y a des règles, elles ne sont pas appliquées."

Après un mois de traitement, l'anxiolytique pas n'a eu d'autres effets que celui de me faire somnoler.

 
  
Si j'avais pu vivre et continuer à travailler jusqu'à cette période, 
c'est un peu grâce aux anti-douleurs et autres sédatifs
mais surtout grâce au ferme espoir que le cauchemar allait s'arrêter d'un jour à l'autre.
Or, "le spécialiste de l'audition" local m'assène que mes maux n'ont pas de remèdes
et qu'ils ont toutes les chances de m'handicaper à vie.

Commence alors la véritable descente aux enfers.
Le désespoir m'envahit. 
L'idée du suicide s'impose peu à peu comme la seule issue à mon calvaire.

 

 

Avril 1999 : France Acouphènes ranime la flamme qui vacille
  
Je découvre France Acouphènes grâce à une recherche sur Internet.
(voir dans la rubrique liens).

France Acouphènes est une association qui existe depuis 1992.
Elle regroupe environ 3000 personnes, dont la plupart souffrent d'acouphènes.
 
Grâce à cette association, à la revue trimestrielle qu'elle publie, ainsi qu'à des recherches plus poussées sur Internet, j'apprends que :
Les acouphènes touchent environ 15 % de la population des pays industrialisés.
En France, cela représente plusieurs millions de personnes, dont 150 000 seraient gravement affectées !
Les acouphènes permanents et l'hyperacousie sont très fréquemment à l'origine de véritables drames : perte d'emploi, divorce, isolement extrême, dépression, suicide.
Malgrè ce terrible constat :
Les médecins français, ORL compris, ne reçoivent pas de formation sur les acouphènes et l'hyperacousie. C'est pourquoi les traitements qu'ils prescrivent sont généralement inadaptés et inefficaces. Le recours systématique et persistant aux vasodilatateurs en est un exemple flagrant : sauf en cas d'intervention d'urgence (au plus tard quelques dizaines d'heures après le traumatisme), ces produits n'ont absolument aucun effet démontré sur l'audition en général et les acouphènes en particulier. C'est pourquoi ils ne sont pas prescrits dans les pays anglo-saxons, et, pour certains, ne sont pas autorisés à la vente.

La recherche médicale ne s'intéresse quasiment pas aux acouphènes.

Les acouphènes permanents et l'hyperacousie ne sont pas reconnus comme des handicaps par la sécurité sociale. Cela contribue évidemment à dégrader encore la situation des personnes touchées.
Heureusement, l'espoir subsiste :
En dehors du traumatisme auditif, les acouphènes permanents peuvent avoir des origines multiples et diverses : diabète, cholestérol, hypertension, arthrose cervicale, malocclusion dentaire, neurinome (tumeur), otite, etc. Ainsi, dans certains cas, quelques séances chez "le bon" spécialiste peuvent aboutir à une guérison complète et définitive.

Même en cas d'origine non identifiable ou non traitable, il existe depuis des années des thérapies qui diminuent l'intensité des acouphènes et de l'hyperacousie. Développées en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, elles sont pratiquées par des équipes pluridisciplinaires (au minimum : ORL, audioprothésiste, psychiatre ou psychologue) au sein de centres spécialisés. De tels centres existent dans la plupart des pays occidentaux. Ces thérapies ne sont malheureusement pas encore pratiquées en France, à l'exception de rares tentatives isolées de la part de certains ORL et audioprothésistes.

 Ce sont ces deux pistes que je décide alors de suivre successivement.
 

 
Avril à août 1999 : à la recherche d'une hypothétique "cause cachée"
  
Puisque les acouphènes peuvent avoir des causes sans rapport apparent avec l'audition, je me prends à rêver :

Et si mes oreilles internes n'avaient pas été lésées de manière irreversible lors du concert ?
Et si toutes ces souffrances n'étaient que les symptômes d'une vertèbre déplacée, 
d'une dent gâtée ou d'un déséquilibre organique quelconque ?

C'est pourquoi je décide de consulter quantité de médecins et autres thérapeutes
afin de rechercher de manière systématique l'éventuelle existence d'une telle cause. 

Je cherche à réaliser un bilan complet, tel qu'on aurait dû me le proposer dès le départ.

Fin aôut 1999, et depuis juillet 1998, je "totalise" ainsi :
 
  • Thérapeutes :  généralistes, ORL, neurologue, ostéopathe, dentistes, psychologues, psychiatres, homéopathe, acupuncteur, magnétiseur.
  •  
  • Examens : audiogrammes, PEA, analyse de sang, radio panoramique dentaire, scanner, IRM.
  •  
  • Médicaments : Tanakan, Vastarel (vasodilatateurs), Lexomil (anxiolytique), Serc (antivertigineux), Rivotril (antiépileptique), Spasmine, Sympavagol (sédatifs), Propofan, Di-antalvic, Idarac (antidouleurs), Seropram (antidépresseur) et diverses spécialités homéopathiques.
  •  
  • Autres traitements : acupuncture, ostéopathie, gouttière dentaire, relaxation, stimulation électrique (électro-acupuncture), extraction d'une dent de sagesse.
  • A chaque nouvelle consultation, je raconte patiemment mon histoire, 
    je détaille les traitements déjà prescrits, les examens déjà réalisés, les avis déjà émis.
    Cela m'est très difficile car je suis en pleine dépression.

    Mais à chacun son diagnostic, à chacun son remède. 
    A une exception près, aucun médecin ne cherchera à en contacter un autre déjà consulté.
    Il est impossible d'obtenir un semblant de coordination des soins. 

    Au cours de ce pénible marathon, je fais connaissance avec, au mieux, l’écoute attentive mais impuissante de certains praticiens, au pire, l’incompétence arrogante et le mépris d’autres médecins.
    Je constate même que la majorité d'entre eux ne savent pas ce qu'est l'hyperacousie !
     
    Mais tout cela n'a pas été vain :
     
  • Les examens et les soins pratiqués ont permis d'écarter toutes les autres causes possibles des acouphènes. Le traumatisme sonore provoqué par le concert est donc bien la cause directe de mes souffrances et non un simple élément déclenchant.
  •  
  • J'ai rencontré dans ma région un ORL qui sait écouter, qui répond 

  • à mes questions et qui pratique une partie des thérapies anglo-saxonnes. 
     


     
    Depuis septembre 1999 - l'espoir de revivre un jour grâce à la TRT
      
    TRT, c'est le sigle de "tinnitus retraining therapy".

    En français, cela signifie thérapie de rééducation aux acouphènes.

    Cette thérapie a été développée conjointement par un Anglais (Jonathan Hazell) et un Américain (Pavel Jastreboff).
    Le modèle physiologique sur lequel elle s'appuie est complexe (voir dans la rubrique liens).
     
    Les buts et principes de la méthode thérapeutique sont quant à eux très simples :

    Buts de la TRT : diminuer l'hyperacousie et "habituer" aux acouphènes

    Principes :

    1) porter des "générateurs de bruits blancs" dans les oreilles (GBB)

    2) pratiquer une thérapie cognitive et comportementale
    (séances chez un psychiatre ou un psychologue).

    Durée : environ 2 ans

    J'ai entamé cette thérapie au début du mois de septembre 1999.
    Je ne constate aucune amélioration pour le moment, mais je garde confiance.
    Ai-je le choix ?
     

     
     
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