Ma vie aujourd'hui
 
 
Voici une liste non exhaustive des activités qui faisaient ma vie... 
avant de me faire massacrer les oreilles.
 
Ces actions me faisant toutes souffrir, j'ai été contraint d'y renoncer peu à peu, 
en commençant par les loisirs et en finissant par les activités professionnelles.
  
 
Vous qui lisez cette page, prenez le temps d'imaginer ce que serait votre vie
si en quelques mois on vous privait de tout ce qui suit !
 
 

 
Ecouter de la musique
C'était l'une de mes passions. C'est un des premiers loisirs que j'ai dû  abandonner, le son des hauts-parleurs, même à très faible volume, étant immédiatement et violemment douloureux pour moi. Vraiment très dur pour le moral.
Aller au concert, 
au théâtre,
au spectacle en général
Je suis allé à des concerts de musique amplifiée moins de 10 fois dans ma vie, concerts au lycée compris ! Le 5 juillet 1998, c'était la première fois dans une très grande salle : une fois de trop...
Quant aux concerts classiques, j'y allais régulièrement. J'ai même été abonné certaines saisons. J'y suis retourné une seule fois : les cuivres, le violon et la flûte me hurlent aux oreilles. Ne parlons même pas des applaudissements après chaque morceau !
C'est pour la même raison que le théâtre m'est également inaccessible, comme la plupart des spectacles, puisque le public a généralement la fâcheuse tendance d'applaudir à la fin...
 Aller au cinéma
Je suis cinéphile et j'allais au cinéma régulièrement.
Aujourd'hui, même dans les "petites" salles d'art et d'essai, le son est beaucoup trop fort pour que je puisse m'aventurer à nouveau dans une salle obscure.
Aller à la patinoire
J'allais patiner en famille, surtout avec des enfants.
Aujourd'hui, je ne peux plus supporter l'intensité de la musique.
Aller au stade
J'allais au stade supporter l'équipe de foot du Stade Malherbe de Caen depuis mon enfance. J'étais même abonné depuis plusieurs années. Les clameurs du public et la sono m'interdisent désormais l'accès à ce spectacle, qui bien souvent est aussi une fête.
 Pratiquer le cyclisme
J'aime voir du foot, mais le sport que je préférais pratiquer, c'était le cyclisme. En été, je faisais jusqu'à 4 ou 5 sorties par semaine. Aujourd'hui, ce plaisir ne m'est plus permis : les moteurs des voitures et des motos hurlent trop près de mon oreille gauche quand ces véhicules me dépassent.
Pratiquer la natation,
"aller à la mer"
Je n'aime pas la piscine, mais j'adore la mer.
Mais nager, c'est mettre ses oreilles dans l'eau ou au ras de l'eau qui clapote et qui éclabousse : trop douloureux pour moi désormais. Même le bruit aigu des vagues depuis le rivage m'empêche d'apprécier maintenant le bord de mer.
Aller en ville,
faire du shopping
La circulation automobile en centre ville, quelle que soit l'heure de la journée, est la source d'un niveau sonore élevé...en tous, cas trop élevé pour moi. Le pire : les grincements de freins, les crissements de pneus, le "dégazage" du système pneumatique des bus, les klaxons, et les pétarades des échappements trafiqués ou défecteux (boosters et motos en particulier).Quant aux magasins, leur ambiance (musique, voix, annonces) m'est le plus souvent très difficile à supporter.
 Boire un pot
Le soir, tous les bars et les pubs de Caen sont remplis à craquer et diffusent de la musique : impossible pour moi d'y rester, voire d'y entrer. En fait, je l'ai tenté 3 fois en un an et demi, notamment pour aller fêter des soutenances de thèse : sans quelques verres d'alcool, je me serais évanoui de douleur !
Manger au restaurant
Même si l'on choisit un endroit calme, il reste toujours le bruit des conversations. Pire : le bruit des couverts qui s'entrechoquent par inadvertance (assiettes, verres,...) est pour moi l'une des sources de souffrance les plus terribles.
Participer à un mariage
Cet été, j'étais témoin au mariage d'un ami : je n'ai pu me rendre qu'à la cérémonie civile...
Quand le handicap vous coupe de toute vie sociale, même des moments les plus forts et les plus importants de celle-ci, comment éviter la dépression ?
Bricoler
Réaliser l'entretien basique d'un vélo ou d'une voiture, monter un meuble et le mettre en place, accrocher un cadre,... je faisais tout cela facilement et sans y penser. Aujourd'hui utiliser une clé, une scie, une perceuse, ou pire que tout, un marteau, m'est tout à fait impossible.
Cuisiner
La cuisine est un endroit plein d'objets et d'activités bruyantes. Comment laver, couper, battre, mélanger, mixer... quand le moindre de ces bruits vous est douloureux, et quand le plus petit faux mouvement fait résonner un plat ou une casserole. Sans parler de gastronomie, même griller un steack ou faire bouillir des nouilles est bruyant.
Participer
à une réunion de famille
Maintenant, quand je suis invité quelque part, on s'arrange pour être très peu nombreux, on sort les assiettes en carton et les gobelets en plastique, on fait taire les enfants et on parle doucement : quelle ambiance !
Vivre avec des enfants
Même les plus "sages" des enfants font parfois tomber leurs jouets ou leurs couverts, aiment chanter et crier, et piquent parfois une colère ou une crise de larmes.
Moi, j'ai des neveux et nièces, que j'aimais prendre en vacances. Je le fais encore, parce que c'est une joie pour tout le monde, mais en limitant strictement la durée de leur séjour et en me gavant d'antidouleurs. Je me dis aujourd'hui que mon handicap m'empêchera de fonder un jour une famille. Quand un concert de rock se transforme en instrument de stérilisation forcée... 
Téléphoner
Comme tous les sons produits par des hauts-parleurs, les conversations téléphoniques me sont particulièrement néfastes. Ainsi, téléphoner quelques minutes provoque des douleurs et une crise d'acouphènes qui durent plusieurs heures. Sauf urgence, je n'utilise donc plus le téléphone. Quand on ne peut déjà presque plus sortir, voilà qui aggrave terriblement l'isolement.
Utiliser
une salle informatique
En tant qu'enseignant-chercheur en informatique, je passais une bonne partie de mon temps de travail dans des salles munies de nombreux ordinateurs en réseaux et de leurs périphériques. Le problème de ces salles est qu'elles regroupent un grand nombre de postes et donc de personnes. S'il celles-ci se mettent à parler un peu haut, je dois quitter la pièce. Si les personnes installées à côté de moi tapent un peu fort sur leur clavier (il y a toujours des "boeufs"), je dois quitter mon poste. Enfin, je ne peux même pas m'installer sur certains ordinateurs dont le disque dur, très rapide, produit un sifflement de hautes fréquences qui m'est insupportable plus de quelques secondes.
Participer 
à une réunion de travail
Toutes les réunions de plus de 3 ou 4 personnes me sont insupportables, tant les voix additionnées me font souffrir. Plutôt gênant quand on a une profession qui se pratique en équipe (équipes pédagogiques, équipes de recherche) et que l'on doit participer à des conférences !
 Enseigner
Les voix de mes étudiants, les bruits de chaises qui traînent, les hurlements d'imprimantes matricielles, les claquements de portes, le brouhaha dans les couloirs, les réunions, les soutenances...autant de choses aujourd'hui incompatibles avec l'état de mes oreilles.
Et dire que je me suis battu pendant 4 ans pour obtenir un poste d'enseignant-chercheur !
 
 
Privé de toutes ces activités, 
je n'ai plus ni travail ni loisirs ni vie sociale :

je ne vis plus, je survis.
 
  

  
 
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